P comme Peltier

Venu sur place dès le début de l’affaire pour interroger Jean François PAILLOT et faire les premières constatations, le juge Julien Ernest GILLET a, dès le 22 septembre 1880 (jour de l’assassinat) et depuis la salle de la mairie de Donchery, missionné le docteur JEANJOT et le docteur PELTIER pour visiter le cadavre de la victime, Edouard Amédé GUAIGNIERE.

Des médecins-experts

Plus précisément, voici ce qu’il indique dans le document « Commission à médecins-experts » :

« Nous, J. E. GILLET (…)

commettons M.M. les Docteurs PELTIER de Sedan et JEANJOT de Donchery à l’effet de se transporter avec nous sur le territoire de la commune de Donchery et, après avoir prêté serment entre nos mains, de visiter le cadavre du nommé GAIGNIERE,

trouvé sur la route de grande communication de Donchery à Vrigne-aux-bois, d’en constater l’état, d’en faire l’autopsie médicale, de rechercher le causes de sa mort et de dire notamment à l’aide de quel instrument il a été frappé et s’il existe, sur son corps, des traces de violences autres que celles qui ont déterminé la mort. (…) »

Avant d’examiner le cadavre de la victime, le docteur PELTIER a donc dû prêter serment, tout comme le docteur JEANJOT.  On retrouve le procès-verbal de prestation de serment des médecins-experts à la suite du document « Commission à médecins experts » ci-dessus.

« Et le même jour, 22 septembre 1880, à deux heures et demi du soir, étant en la salle de la mairie de Donchery où nous nous sommes transportés,

Devant nous, Juge d’Instruction délégué (…)

Ont comparu M.M.

PELTIER Gustave

Docteur médecin à Sedan, âgé de 33 ans

JEANJOT Justin Jean Baptiste, âgé de 52 ans

Docteur médecin à Donchery

Lesquels, après avoir pris connaissance après lecture leur leur ait été faite de notre ordonnance qui précède, ont levé la main droite et prêté le serment de remplir en leur âme et conscience la mission qui leur était confiée, et ont signé avec nous et le commis-greffier le présent procès-verbal, en présence de M. Le substitut du Procureur de la République. »


Suite à cette ordonnance, les 2 docteurs ont donc étudié le corps d’Edouard Amédé GUAIGNIERE et ont produit un rapport rédigé de près de 4 pages qui a naturellement été joint au dossier.

Sans compter l’introduction qui rappelle les circonstances de réalisation, ce document compte 4 parties plus ou plus longues et est naturellement signé par les 2 docteurs.


Le rappel du contexte

« Nous, soussignés, Gustave PELTIER, docteur en médecine, ex-interne des hôpitaux de Paris, chirurgien en chef de l’hôpital de Sedan, âgé de 33 ans

Justin JEANJOT, docteur en médecine, domicilié à Donchery, y exerçant, âgé de 52 ans

Vu la procédure en information contre le nommé PAILLOT Jean-François, inculpé d’homicide volontaire,

Sur la réquisition de Mr le Juge délégué par le Tribunal pour remplir les fonction de Juge d’Instruction de l’arrondissement de Sedan.

A l’effet de se transporter sur le territoire de la Commune de Donchery, de visiter le cadavre du nommé GAIGNIERE trouvé sur la route de grande communication de Donchery à Grigne-aux-Bois, d’en constater l’état, d’en faire l’autopsie médicale, de rechercher les causes de sa mort et de dire notamment à l’aide de quel instrument il a été frappé et s’il existe sur son corps des traces de violences autres que celles qui ont déterminé la mort.

D’examiner le bâton trouvé près du cadavre. (…) »

Les constatations

« (…) Nous sommes le 22 septembre 1880, serment préalablement prêté entre les mains de Mr le Juge d’Instruction, rendus sur le chemin de Donchery à Vrigne-aux-Bois où était le cadavre et avons fait les constatations suivantes :

1° Le corps de GAIGNIERE est placé dans un fossé longeant la route, à gauche en allant de Donchery à Vrigne-aux-Bois, le cadavre est couché sur le dos, la face vers le ciel, les pieds tournés vers Vrigne-aux-Bois, la tête vers Donchery.

2° Les bras sont relevés sur les côtes ; l’avant-bras droit est placé sur le bras, la main vers l’épaule. L’avant-bras gauche est placé sur la poitrine, la main reposant sur la région du sternum.

3° Près la main droite est une poignée d’herbe ; il existe du sang au dos de la main et du poignet droits

4° Il existe du sang sur la face, provenant et des narines et d’une plaie dont nous parlerons tout à l’heure.

5° La blouse dont est revêtu le cadavre est tachée de sang en avant et sur les épaules

6° La partie supérieure de la face présente une plaie énorme occupant le nez, les orbites, le front. Les os sont brisés et la matière cérébrale est à nu.

7° On retrouve près du cadavre de petits fragments d’os venant des os du crâne.

8° Le cadavre est coiffé d’une casquette remplie de sang en caillot et la tête baigne elle-même dans une véritable mare de sang.

Après ces premières constatations, nous faisons placer le corps sur une civière pour être transporté à l’hospice de Donchery où se fera l’autopsie. (…) »

Entrons dans le vif (ou pas justement…) du sujet : l’autopsie

« (…) L’autopsie est faite quelques instants plus tard, en présence de PAILLOT, inculpé de l’assassinat commis sur GAIGNIERE.

1. L’examen du corps ne nous montre extérieurement aucune violence ; il n’existe qu’une légère éraillure sur le côté gauche du corps

2. Les os du crâne et de la face, particulièrement  l’os frontal, les os propres du nez, les maxillaires supérieurs sont complètement brisés ; on ne compte pas moins de 15 à 18 fragments moyens sans compter les particuliers osseuses très fines.

3. L’oeil gauche est en bouillie et peut à peine être reconnu. L’oeil droit existe encore, mais la sclérotique est (…) et le contenu de l’oeil vidé en partie.

4. La blessure du crâne et de la face forme une crevasse dans laquelle on pourrait enfoncer le poing d’un homme adulte et laisse à nu la matière cérébrale réduite en bouillie sur la partie antérieure du cerveau.

5. La peau du crâne est alors détachée des os et est le siège d’hémorragies à sa partie interne, ces hémorragies étant sur la partie antérieure du cuir chevelu.

6. Les os du crâne sont sciés de manière à mettre le cerveau complètement à nu.

7. Les méninges (enveloppes du cerveau) sont très (…) il existe à gauche, au niveau de la région temporale, un épanchement de sang considérable.

8. Les lobes du cerveau sont fortement congestionnés dans toute leur étendue, mais particulièrement les lobes moyens droit et gauche.

9. La peau du cou présente une légère éraillure sur le côté gauche du larynx.

10. Des incisions faites dans diverses parties ne donnent pas de trace de (…) sanguine sous-cutanée ; il n’existe, non plus, aucune ecchymose des muscles du cou.

11. Le larynx incisé est complètement sain.

12. Les lobes supérieurs des poumons sont sains ; les lobes inférieurs fortement congestionnés, laissant, à l’incision, sourdre du sang noir.

13. Il n’existe pas de soulèvement de l’enveloppe des poumons par des bulles d’air (emphysème sous pleural), il n’y a pas non plus de suffusions sanguines ou d’hémorragies pulmonaires, noyaux apoplectiques.

14. L’estomac, les intestins, le foie, les reins, la vessie n’offrent rien de particulier. (…) »

L’arme du crime

« (…)

1. Le bâton qui nous est représenté est un fort morceau de bois, lourd, résistant. Il est teint de sang, surtout à une extrémité munie d’un crochet en fer recourbé.

2. Cette extrémité présente quelques esquilles récemment détachées, mais non complètement sur lesquelles se trouve de la matière cérébrale. »

Les conclusions des docteurs

« Conclusions

I. La mort de GAIGNIERE a été causée par une blessure ayant brisé les os du crâne et de la face, et lésé la partie antérieure du cerveau.

II. La mort a été rapide mais a pu ne pas être instantanée.

III. La blessure a été faite par un instrument contondant appliqué avec une grande vigueur.

IV. La blessure a été faite avec le bâton qui nous a été représenté (sang – restes de matière cérébrale)

V. La congestion des poumons peut être attribuée à deux causes, ou à l’asphyxie produite par l’agonie ou à un commencement d’asphyxie qui aurait été produite par l’application de la main au devant et sur les côtés du larynx (coup d’ongle sur les côtés du larynx)

VI. L’application de la main sur la région du cou n’a pas été assez forte ou assez prolongée pour provoquer la mort (absence d’ecchymoses, de suffusions sanguines, de noyaux apoplectiques) »

Rendez-vous dans quelques jours pour une nouvelle rencontre avec le docteur PELTIER !


Sources : AD Ardennes

Illustrations : AD Ardennes, collection personnelle

5 commentaires sur “P comme Peltier

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